vendredi 12 octobre 2018

Kasuga no Tsubone : l'ascension d'une nourrice

Kasuga no Tsubone (1579-1643), dont le titre signifie « dame Kasuga », est remarquable par son ascension sociale. Nourrice du troisième shôgun de la dynastie des Tokugawa, Iemitsu (1604-1651), elle exerce  sur son protégé une influence certaine. Sachant se montrer cruelle tout comme juste, elle a su imposer son pouvoir et devenir un personnage incontournable de son époque.


Portrait de Kasuga no Tsubone (source : *)


Une épouse insoumise


Kasuga, qui se nommait O-Fuku avant de recevoir son titre (le « O » avant son prénom est un préfixe honorifique), est la fille de Saitô Toshimitsu, un vassal haut-placé d’Akechi Mitsuhide, daimyô et père d’Hosokawa Gracia. Or, Mitsuhide trahit en 1582 son maître, Oda Nobunaga, avant d’être tué sur les ordres de Toyotomi Hideyoshi. Le père de Kasuga paie de sa vie la trahison de son seigneur : il est crucifié. O-An, son épouse, s’échappe avec ses sept enfants et se réfugie chez des membres de sa famille.

Kasuga passe son enfance de manière relativement paisible, même si elle contracte la petite vérole qui lui crible le visage de cicatrices. Elle reçoit une éducation complète : les manières aristocratiques n’ont pas de secret pour elle, mais en tant que femme issue de la classe guerrière Kasuga excelle au maniement des armes et particulièrement de la naginata. Elle épouse par la suite Inaba Masanari, un daimyô bien plus âgé qu’elle, dont elle a trois fils. 

Force est de constater que cette union ne fonctionne guère. Le mari de Kasuga est infidèle et celle-ci fait de nombreuses fois montre d’un tempérament sanguin et violent. Un soir, trois voleurs entrent ainsi dans la demeure de Masanari. C’est Kasuga qui se charge d’eux. Elle en tue deux mais le troisième parvient à lui échapper. 

Kasuga no Tsubone affrontant un voleur, (1880 ?), Adachi Ginkô (1853-?)


Kasuga va vite chercher une échappatoire. Heureusement l’épouse d’Hidetada (1579-1632), l’actuel shôgun, fils de Tokugawa Ieyasu, donne en 1604 naissance à un fils. Or, nul ne parvient à trouver une nourrice. Aucune dame n’accepte de faire le chemin périlleux pour se rendre de Kyoto à Edo. Kasuga va saisir sa chance. Elle apprend qu’une concubine de son époux est enceinte. Elle fait venir la femme, la tue de sang-froid d’un coup de sabre et rentre chez les siens à Edo. Elle finit par entendre parler de la quête du shôgunat et propose aussitôt ses services. Contrairement à Hideko Fukumoto et Yosaburo Takekoshi, Cecilia Segawa Seigle et Linda H. Chance ne mentionnent pas cet assassinat dans leur livre Ooku the secret world of the shogun’s women. Elles évoquent surtout le fait que le départ de Kasuga du domicile conjugal, en laissant ses fils derrière elle, ait généré nombre de rumeurs, dont certaines prétendant que sa décision était motivée par la jalousie. Il est également possible d’ajouter à ce mobile un désir de fuir la pauvreté dans laquelle elle se retrouve plongée suite à une dispute entre son époux et son seigneur.

Kasuga parvient à ses fins en faisant jouer ses relations. A cette époque, la personnalité de la nourrice compte autant, sinon plus, que son origine. Or, Kasuga est intelligente et cultivée, ce qui lui vaut d’être choisie. Le fait qu'elle quitte son mari sans le consulter révèle une grande indépendance. En effet, à cette époque le divorce était généralement entrepris à l’initiative de l’époux. Masanari consent à la séparation une fois que Kasuga obtient le poste de nourrice parce qu’il ne veut rien lui devoir. L’influence de cette dernière aurait en effet pu lui valoir un poste important. Cependant, une fois en place, Kasuga va devoir déployer toute son intelligence pour favoriser l’enfant qui lui a été confié.


La championne du jeune héritier


Plusieurs figures de nourrices ont joué un rôle important dans l’histoire du Japon en façonnant la destinée de leurs protégés. Parmi elles, Hiki no Ama (XIIe siècle), la nourrice du premier shôgun Minamoto no Yoritomo, ou encore Katakura Kita (1539-1610), nourrice du daimyô Date Masamune (1567-1636) et elle aussi redoutable combattante. Kasuga se retrouve très vite dans la même position lorsque le shôgun et son épouse ont un deuxième fils : Kunichiyo, également appelé Kunimatsu. 

 Kasuga rencontre alors une ennemie en la mère de son protégé. Celle-ci, nommée O-Eyo ou O-Gô (1573-1616), la benjamine de Yodo-dono, favorise ouvertement son second fils. Or, cette femme de caractère exerce un ascendant certain sur son époux, le fait qu’elle soit âgée de six ans de plus que lui y contribue sans doute pour beaucoup. La nourrice craint que, sous l’influence d’O-Eyo, Hidetada ne finisse par nommer son cadet comme héritier. Il faut également souligner que l’aîné souffre de la comparaison : il est frêle, a des difficultés à s’exprimer, tout en étant un enfant difficile. Kasuga comprend alors qu’il lui faut agir. Il en va de l’avenir de son protégé mais également de sa place en tant que nourrice.

Elle décide alors de mentir à ses employeurs en prétendant se rendre en pèlerinage au sanctuaire d’Ise. Sa destination est en réalité le château de Sunpu, qui se trouve tout proche et où réside l’ancien shôgun, mais toujours puissant et influent : Tokugawa Ieyasu. La nourrice réussi à avoir une entrevue avec lui et prend le risque de lui exposer le problème : son fils et sa belle-fille délaissent leur fils aîné, le prétendant légitime à la succession. 

Son audace paie : Ieyasu décide de rendre visite aux siens. Lorsque les membres de sa famille viennent pour lui rendre hommage, il demande au  jeune Iemitsu (Takechiyo de son nom d’enfant) de venir s’asseoir à ses côtés à une place surélevée. Le petit frère tente de suivre le grand mais Ieyasu lui ordonne de rester là où il est. Plus tard, des friandises sont apportées. Ieyasu tend alors le plateau à son premier petit-fils et enfin seulement daigne à ce Kunichiyo puisse en avoir. Il réprimande ensuite O-Eyo sur sa conduite. Le message est clair : Ieyasu soutient Iemitsu et il est hors de question qu’Hidetada nomme son second fils héritier. Il affirme l’importance de la succession par ordre de primogéniture afin d’éviter les querelles. Les deux parents comprennent très bien le message et Kasuga a gagné. Iemitsu devient shôgun en 1623 Soupçonné de fomenter une rébellion, Kunichiyo finit plus tard par se suicider. 


De nourrice à femme politique


Kasuga triomphe ainsi véritablement. Sa position privilégiée auprès du shôgun lui permet d’exercer une très grande influence. L’une des réalisations les plus importantes de Kasuga est l’établissement des règles régissant le Ôoku ou « Grand intérieur », cette partie du palais où résident l’épouse du shôgun, ses concubines et toutes les femmes occupées à leur service. Elle rédige des règles draconiennes : nul ne peut y pénétrer sans sauf-conduit et interdiction d’entrer dans cette partie du palais après sept heures du soir. Les hommes n’ont pas leur place dans cette institution entièrement gérée par les femmes. Elle est d’ailleurs gardée par des professionnelles des arts martiaux. Kasuga conduit elle-même les entretiens des personnes qu’elle souhaite recruter et connaît toutes les personnes qui y travaillent. Ce mode de fonctionnement continue d’être appliqué jusqu’à la chute de la dynastie Tokugawa. En récompense, le shôgun lui octroie un domaine, ce qui fait de Kasuga une femme très riche. Lorsqu’elle fait part de son désir de bâtir un temple à la mémoire de ses défunts parents, Iemitsu prend tous les frais en charge.

Portrait de Kasuga no Tsubone, Tanyu Kano (1602-1674)


Kasuga exerce également son pouvoir de manière plus indirecte dans la conduite des affaires de l’état. Premièrement, car les conseillers du shôgun ont tous grandit avec lui et connaissent Kasuga no Tsubone depuis l’enfance et respectent leur autorité. Deuxièmement, elle fait en sorte de placer ses proches à des postes importants : son fils, son frère, sa nièce, bénéficient tous de ses largesses. A la fin de la vie de Kasuga, pratiquement tous les conseillers d’Iemitsu sont soit des membres de sa famille, soit ses protégés. Elle sait tout autant comment manœuvrer le shôgun et faire en sorte que celui-ci l’écoute. 

Lettre écrite par Kasuga no Tsubone (source : *)


Bien entendu, le comportement de Kasuga soulève son lot d’oppositions. Cependant, les personnes qui manifestent leur dissidence ont tendance à ne pas rester longtemps en place. Ainsi, l’un de ses ennemis perd sa place et son fief après avoir protesté auprès du shôgun contre les initiatives de Kasuga. Celle-ci influence de ce fait les politiques du shôgunat. Son protégé écoute tous ses conseils et ses suggestions et la consulte avant de prendre des décisions. Ainsi, lorsqu’éclate au Sud du Japon en 1638 une rébellion de chrétiens et de fermiers, la rébellion de Shimabara, un membre de la garde rapprochée du shôgun déclare qu’il faudrait envoyer Kasuga régler la situation étant donné qu’elle est l’une des personnes en lesquelles Iemitsu a le plus confiance. Si Kasuga ne se rend pas sur place, la rébellion est néanmoins écrasée. 

Le règne d’Iemitsu est en effet marqué par des répressions brutales envers les chrétiens. Il se montre également isolationniste : en 1639, il décide de fermer complètement le Japon aux étrangers (à l’exception des hollandais qui commercent toujours dans une petite enclave), état de fait qui dure jusqu’en 1853. C’est le sakoku ou « pays fermé ». Il renforce également les institutions du shôgunat et renforce le régime à un niveau sans précédent. Il fait en sorte de s’assurer de la loyauté de ses vassaux en instaurant le système du Sankin kôtai ou « résidence alternée » qui les contraint à demeurer une année sur deux à Edo. Les épouses des daimyô y vivent, elles, de manière permanente et se transforment ainsi en otages. Voici ainsi le type de politiques de Kasuga a peut-être contribué à influencer.

Kasuga n’utilise pas uniquement son autorité pour avancer ses propres intérêts. Elle se montre également juste et soucieuse de l’intérêt de ses employés. Ainsi, elle se préoccupe notamment du salaire des femmes qui travaillent au Ôoku et fait ainsi en sorte de leur verser chaque année une prime lorsqu’elle constate qu’elles gagnent trop peu. Elle respecte également les règles qu’elle a fixées. Ainsi, elle rentrée après le couvre-feu, elle attend l'aube à la porte avec ses suivantes et fait par la suite l’éloge de la personne qui a refusé de lui ouvrir. Ce fait à un tel retentissement qu’il est mentionné dans les manuels scolaires jusqu’à la Seconde guerre mondiale, élevant Kasuga en modèle de moralité pour les jeunes lecteurs.

La nourrice se démarque également par sa loyauté. En 1629,  le shôgun Iemitsu tombe malade. Kasuga se rend au mausolée de Tokugawa Ieyasu pour prier pour le rétablissement de son protégé et jure de ne jamais se soigner en échange de la vie d’Iemitsu. Le shôgun se rétablit et Kasuga tient sa promesse jusque sur son lit de mort.

C’est d’ailleurs cette même année que Kasuga va intervenir directement dans les affaires de la cour impériale, bousculer les codes et contraindre l’empereur lui-même à la recevoir.


La femme qui fit trembler la cour


Les relations entre le shôgunat et l’empereur, à Kyoto, sont particulièrement tendues suite à un épisode connu sous le nom d’« incident du vêtement violet ». Si l’empereur souhaite octroyer à un moine un habit de cette couleur, qui symbolise un haut rang dans la hiérarchie religieuse, il doit d’abord obtenir l’autorisation du shôgunat. Or, l’empereur Go-Mizunoo (1596-1611) vient de passer outre, ce qui est une véritable provocation. Le shôgun réplique alors en frappant de nullité cette nomination tout en punissant sévèrement certains religieux, notamment par l’exil. Le souverain céleste rétorque alors qu’il va abdiquer et entrer en religion.

Or, le shôgunat n’a aucun intérêt à ce que cela se produise. Les Tokugawa avaient manœuvré pour unir une fille de leur sang, Tokugawa no Masako (1607-1678), plus connue sous son nom bouddhiste de Tofukumon’in, à l’empereur dans le but d'avoir un héritier impérial qui soit apparenté aux Tokugawa, leur permettant ainsi de mettre totalement la cour sous leur contrôle (l’empereur n’exerçait à cette époque plus qu’un pouvoir symbolique). Or, les fils de Tofukumon’in sont tous morts en bas-âge et elle n’a qu’une fille. Tout sera réduit à néant en cas d'abdication de Go-Mizunoo.

Kasuga est donc envoyée à la capitale par l’ancien shôgun et père de la princesse, Hidetada, preuve que celui-ci reconnaissait également ses capacités. Kasuga parvient à ses fins : elle se rend chez Tofukumon’in et se sert d’elle comme d’un intermédiaire pour obtenir une audience avec l’empereur. Une telle chose est sans précédent : Kasuga est une femme issue d’une famille de guerriers, elle ne possède pas de rang de cour et ne peut donc pas se présenter devant l’empereur. Heureusement, elle se fait adopter par une famille de l’aristocratie, proche du shôgunat, pour qui elle avait travaillé dans sa jeunesse et qui l’a également aidée à devenir la nourrice d’Iemitsu.

Kasuga est ainsi finalement reçue par Go-Mizunoo et un banquet est donné en son honneur. L’épisode provoque une vague de réactions très violentes chez les nobles de Kyoto, outrés par l’audace de cette nourrice. Un noble confie dans son journal son dégout de ce qu’il voit comme une disgrâce pour la cour. L’empereur lui-même s’épanche sur le caractère inédit de ce qu’il s’est produit. Cependant, l’ingéniosité de Kasuga est inutile et l’empereur abdique tout de même au lendemain de leur entrevue. 

Il nomme sa fille de six pour lui succéder. Elle devient l’impératrice Meishô (1624-1696) et la première femme à occuper trône impérial depuis 770. Le shôgunat a certes un empereur de sang Tokugawa sur le trône, mais c’est une fillette vouée à ne pas avoir de descendance. Néanmoins, Kasuga retourne à la cour en 1632 pour rencontrer la petite impératrice qui lui sert une coupe de saké. C’est à ce moment qu’elle est élevée au second rang de cour et reçoit ainsi le titre de Kasuga no Tsubone, ce qui ajoute encore plus à son prestige. Par ailleurs, elle fait à partir de ce moment office d’intermédiaire entre la cour et le shôgun Iemitsu et se rend fréquemment à la capitale.

Statue de Kasuga no Tsubone visible à Tokyo (source : *)


Cependant, si de nombreuses choses semblent réussir à Kasuga, un problème de taille la taraude : le shôgun n’a toujours pas d’héritier.


Un héritier pour la dynastie


Le shôgun Iemitsu a très probablement eu des liaisons homosexuelles et Kasuga s’est préoccupée de le voir sans descendance. Aussi a-t-elle eu de nombreuses fois le souci de lui trouver des femmes susceptibles de lui plaire. En 1639, une jeune femme de seize ans, abbesse d’un temple zen issue de la noblesse, vient présenter ses hommages au shôgun. Elle attire son regard et Iemitsu fait part de son désir de l’avoir pour concubine. Kasuga lui obéit et ordonne à la jeune nonne de ne pas rentrer à la capitale, et lorsque ses cheveux ont repoussé, la force à devenir la concubine du shôgun sous le nom d’O-Man. Cependant, O-Man aurait reçu l’ordre de la part d’officiels du shôgunat de ne jamais avoir d’enfant, sans doute car elle était issue d’une famille d’aristocrates de Kyoto et sa famille maternelle aurait pu saisir cette opportunité de peser sur le pouvoir en place.

Cependant, alors qu’elle se rend à un temple d’Ueno, Kasuga aperçoit une belle jeune femme qui ressemble à O-Man. Celle-ci est de très basse extraction mais Kasuga ne recule devant rien et fait entrer la femme au Ôoku sous le nom d’O-Raku. Celle-ci donne naissance à un héritier, le quatrième shôgun Ietsuna. En septembre 1641, les vassaux du shôgun viennent rendre hommage à l’enfant. C’est Kasuga qui tient le nourrisson dans ses bras et leur présente. L’enfant est enveloppé dans une étoffe portant non pas le blason des Tokugawa mais celui de la famille de la dame. Les daimyô doivent ainsi se prosterner devant l’enfant mais aussi dans le même temps, devant elle. Elle se présente comme si elle était la grand-mère de l’héritier (O-Eyo est morte en 1626) et fait ainsi un étalage de son pouvoir.


Loyale jusqu’au bout


Il s’agit là de l’un des derniers triomphes de Kasuga. Celle-ci tombe gravement malade, le shôgun en est d’ailleurs très affecté et prend fréquemment de ses nouvelles. Or, sa nourrice reste fidèle à son vœu et refuse de se soigner. Même alitée, Kasuga se soucie toujours de contrôler son image. Ainsi, un sculpteur vient la trouver avec une statue réalisée à son effigie mais la malade lui rétorque que le résultat ne lui convient pas. Il doit alors recommencer l’œuvre deux autres fois avant d’obtenir une approbation.

Sur son lit de mort, la dame écrit un poème où elle affirme avoir découvert la voie vers l’illumination. Elle décède finalement en 1643, à l’âge de soixante-quatre ans. Iemitsu observe alors un long deuil, de la durée de celui qui est normalement réservé à une personne de la famille Tokugawa. La tombe de Kasuga se trouve actuellement à Tokyo, au temple Rinshô-in. Celle-ci possède une particularité qui reflète parfaitement la personnalité de la dame. La pierre tombale est en effet pourvue d’un trou. Kasuga no Tsubone avait en effet demandé cette modification afin de pouvoir observer l’évolution du shôgunat. Elle n’était pas non plus prête à se détourner des affaires de ce monde. 

La tome de Kasuga no Tsubone (source : *)


Kasuga no Tsubone dans la fiction


Comme de nombreux personnages marquants de l’histoire japonaise,  le destin très romanesque de Kasuga no Tsubone a inspiré écrivains, dramaturges et réalisateurs. A l’ère Meiji, son personnage devient privé de ses aspérités pour en faire un modèle d'épouse et de mère parfaite. Ainsi, la pièce de théâtre de Fukuchi Ôchi  : Kasuga no Tsubone : Kenjo no Kagami (Kasuga no Tsubone : un miroir des femmes avisées) reprend cette image lisse et convenue. 

Kasuga no Tsubone a également eu l'honneur de sa propre série télévisée en 1989, Kasuga no Tsubone où elle est dépeinte comme une belle femme, intelligente et héroïque. Son personnage apparaît également dans la série Gô Himetachi no Sengoku (Gô, les provinces en guerre des princesses), centrée sur O-Eyo, la mère du shôgun Iemitsu. Kasuga y est ici décrite d’une manière très édulcorée, certes très diligente à la tâche mais humble, et finit d’ailleurs par se réconcilier avec la protagoniste. 

Kasuga no Tsubone jouée par Ôhara Reiko dans la série de 1989

Enfin, il est possible de noter sa présence dans les tome 2 et 3 du manga Le pavillon des hommes de Fumi Yoshinaga qui raconte l’époque d’Edo sous la forme d’une uchronie où une épidémie a décimé la population masculine du Japon et où ce sont désormais les femmes qui prennent le pouvoir. La Kasuga décrite y est très fidèle à la réalité, les grands évènements de sa vie son présents. Elle y apparaît comme une femme machiavélienne, qui prend certes des décisions cruelles mais le fait car elle est convaincue de servir un bien supérieur, tout en étant viscéralement fidèle au shôgun Iemitsu. 

Kasuga no Tsubone jouée par  Aso Yumi 
dans l'adaptation télévisée de du Pavillon des hommes (2012-2014)
(source : *)


Nul doute que son personnage complexe et marquant a su en tout cas trouver sa place dans l’imaginaire japonais. 

Le prochain article déclinera la dernière personnalité proposée au sondage : il s’agit de Nei, l’épouse légitime de Toyotomi Hideyoshi, une habile femme de pouvoir des provinces en guerre, respectée par tous les grands de son époque et pourvue de nombreuses responsabilités. Je l’avais déjà évoquée dans l’article sur Yodo-dono où elle était ainsi en position d’antagoniste, mais cette fois j’aurais ainsi l’occasion d’explorer son point de vue. Mais ce n’est pas tout. Plusieurs autres articles arriveront au courant du mois et vous feront suivre la bataille d’Aizu (1868) à travers les yeux des femmes qui y ont participé. A très vite ! 



Articles liés 


Bibliographie

Fukumoto Hideko, Pigeaire Catherine, Femmes et samouraï, Paris, Des Femmes, 1986,

Higuchi Chiyoko, Rhoads Sharon (trad.), Her place in the sun, women who shaped japan, Tôkyô, The East, 1973.

Iwao Seiichi et al., Dictionnaire historique du Japon vol. 19, Tokyo, Publications de la Maison Franco Japonaise, 1985. 

Murock James, A history of JapanAbingdon-on-Thames, Routledge, 1996.

Sadler Arthur Lindsay, The maker of modern Japan : the life of Tokugawa IeyasuAbingdon-on-Thames, Routledge, 2010.

Segawa Seigle Cecilia, Linda H. Chance, Ooku the secret world of the shogun’s women, Amherst, Cambria Press, 2014.

Takekoshi Yosaburo, The economic aspects of the history of the civilization of JapanAbingdon-on-Thames, Routledge, 2016.


Sitographie

Bakkalian Nyri A., « Katakura Kita : Warrior wet nurse, teacher of dragons »,Gutsy Broads, repéré à : https://gutsybroads.com/2017/04/katakura-kita-warrior-wet-nurse-teacher-dragons/,dernière consultation le 10 octobre 2018.

1 commentaire:

  1. Encore et toujours un magnifique article ! Je connaissais Kasuga no tsubone et sa réputation de femme sans scrupules mais cet article m'a permis de la voir sous une lumière plus nuancée, maintenant je ne peux m'empêcher de l'admirer ^^ C'était une personne pleine de ressources et je suis heureuse d'en avoir appris plus sur elle. Encore bravo !

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