La gagnante du sondage est Jitô Tennô (645-703), la troisième impératrice à régner sur le Japon dans la chronologie traditionnelle. Cultivée, stratège, elle s’impose comme une puissante souveraine et une redoutable politicienne en élaborant de nombreuses réformes essentielles au fonctionnement du gouvernement impérial. Si cet article vous plaît, n’hésitez pas à vous abonner à la page Facebook du blog pour ne rien manquer des nouveautés ! Autre annonce : comme vous pouvez sans doute le constater, j'ai activé la publicité sur le blog. J'espère que cela ne gênera en rien votre expérience de lecture.
Couverture du manga L'arc-en-ciel céleste
de Satonaka Machiko, qui relate l'histoire de Jitô Tennô
Une jeunesse troublée
Jitô est la deuxième fille du prince Naka no Ôe, un homme ambitieux, fils de la souveraine de l’époque, celle a qui a été donné le nom posthume d’impératrice Kôgyoku (594-661 r. 642-645). En 645, Naka assassine un ministre du clan Soga sous les yeux de sa mère, évinçant ainsi cette famille autrefois puissante, et justifie cela en expliquant que le ministre en question était coupable de trahison. Horrifiée, la souveraine décide alors d’abdiquer. C’est pendant cette année que nait Jitô.
Trois ans plus tard, son grand-père maternel, Soga no Ishikawamaro se suicide car il a été accusé à tord de comploter contre le prince Naka. Ochi, la mère de Jitô, en meurt de chagrin. Le prince épouse alors la jeune sœur de sa défunte femme, Nuhi. Une fille naît de cette union, laquelle devient plus tard la quatrième impératrice régnante du Japon : Genmei (r. 701-715).
Jitô, qui est alors connue sous le nom de princesse Uno no Sarara (les noms sous lesquels sont connus les empereurs leur ont en effet été attribués après leur mort), est alors confiée à sa grand-mère, l’ancienne souveraine Kôgyoku, et est élevée par cette dernière. Néanmoins, en 657, à l’âge de 12 ans, elle est mariée à son oncle paternel le prince Ôama, alors âgé de 27 ans, selon une pratique courante à l’époque. Un moyen pour le prince Naka de s’assurer les bonnes grâces de ce dernier qui avait déjà épousé la grande sœur de Jitô.
Entre temps, sa grand-mère est remontée sur le trône. Son nom de règne pour cette période (655-661) est Saimei. En 660, le père de Jitô, qui exerce une grande influence dans le domaine militaire décide de mener une expédition contre les forces coalisées de la Chine des Tang et du royaume coréen de Silla, lesquelles ont envahi Paekce, un allié du Japon dans la péninsule. Puisqu’il est de coutume pour les femmes de haut rang d’accompagner les campagnes comme celle-ci, notamment en jouant un rôle de prêtresses et devineresses pour attirer la protection divines sur leurs alliés, Jitô part elle aussi. Elle a alors 17 ans.
Sa grand-mère prend elle aussi le chemin de la guerre, cependant elle est âgée et décède alors qu’elle se trouve à Kyushu pour rallier ses troupes et se préparer à les lancer à l’assaut. C’est donc son fils, le prince Naka, qui va lui succéder sur le trône en 667. Il est aujourd’hui connu sous le nom d’empereur Tenji. En 662, Jitô donne naissance à son seul enfant : le prince Kusakabe. En 663, les forces japonaises sont vaincues par l’ennemi mais ramènent dans leur retraite de nombreux réfugiés de Paekce. La princesse est de nature curieuse et fait en sorte de mettre à profit leur présence pour étancher sa soif de connaissance. En effet, Jitô était dans sa jeunesse une personne réservée mais dotée d’une intelligence brillante et très appréciée pour cela à la cour. Ses nouvelles rencontres lui permettent ainsi d’apprendre beaucoup au sujet de la Chine, sa littérature et son histoire. Cependant survient bientôt un événement qui va mettre à l’épreuve ses capacités intellectuelles d’une toute autre manière.
Dame de cour de l'époque de Jitô (source : *)
Commandante militaire
Le souverain Tenji doit en effet penser à la question de son héritier et favorise son fils, et donc le demi-frère de Jitô, le prince Ôtomo (648-672) en le nommant premier ministre en 671. Ceci qui déplait fortement au frère du souverain, le prince Ôama, qui avait pourtant été officiellement désigné par le dirigeant comme son futur successeur et n’apprécie guère ce qu’il voit comme une trahison, tandis que les partisans d’Ôtomo en profitent pour renforcer leur emprise à la cour.
Or, Tenji tombe malade et appelle son frère pour lui demander de prendre en charge les affaires d’état. Ôama se méfie, accepter une telle offre équivaudrait à se mettre à la merci de ses ennemis. Il décline donc et déclare qu’il souhaite devenir moine bouddhiste et se retirer du monde. Il trouve une fidèle alliée en Jitô qui l’accompagne dans l’exécution de son plan. Une fois l’autorisation du dirigeant obtenue, touts deux se retirent à Yoshino. Deux mois plus tard, Tenji meurt et Ôtomo monte sur le trône. Ôama se révolte presque aussitôt contre son neveu, dont les actions témoignent d’une forte hostilité à son égard. Néanmoins, avant de se soulever contre lui, il a décidé de s’assurer du fait que les dieux soient de son côté et la seule personne capable de le faire est une femme dotée d’un haut poste dans le gouvernement.
Il fait venir la dénommée Kome, laquelle possède le rang de kuni no miyatsuko ou magistrat, afin qu’elle se livre à la divination pour lui. Celle-ci prédit sa victoire, ce qui conforte la décision initiale du prince. D’autres femmes ont par la suite été nommées au VIIIe siècle à des offices similaires, ce qui témoigne de l’influence politique que possédaient ces intermédiaires entre les dieux et les hommes.Il décide alors de devancer Ôtomo en se rendant dans les régions de l’Est afin d’obtenir le soutien des pouvoirs locaux avant ce dernier. Jitô est elle aussi du voyage. En 672, ils arrivent tous les deux dans la province d’Ise.
Là, Jitô réalise des actions symboliques qui auront un fort impact. Premièrement, elle revêt des habits masculins. Deuxièmement, elle s’adresse en personne à leurs troupes rassemblées, proclamant que les dieux leur ont octroyé leur faveur, ce qui renforce le moral des soldats et les convainc de la justesse de leur cause. Il est d’ailleurs possible que, à l’instar de l’expédition envoyée par Suiko en Corée, cette scène ait inspiré le mythe de l’impératrice Jingû, qui se coiffe comme un homme et revêt armes et armure pour aller soumettre les royaumes coréens.
Elle travaille également avec son époux à l’élaboration des plans tactiques, repère les points stratégiques à défendre et envoie les meilleurs guerriers pour les protéger. Ôama se rend dans la province d’Ômi pour mener une offensive pour son rival. Pendant ce temps, Jitô prend personnellement le commandement des troupes stationnées dans la province d’Ise. Elle s’est en effet portée volontaire pour en défendre le sanctuaire, un lieu essentiel pour que son époux puisse affirmer sa légitimité étant donné qu’il est dédié à la déesse du soleil, Amaterasu. Il est donc absolument vital qu’il reste sous leur contrôle.
Leur action conjointe leur assure la victoire, Ôama monte sur le trône en 673. Il est connu de manière posthume sous le nom d’empereur Tenmu. Il est d’ailleurs le premier à utiliser en 674 le titre de tennôpour le souverain. Conscient du mérite de sa femme, il lui donne également une titulature à sa hauteur et elle est ainsi la première à recevoir l’appellation de kôgô ou o-kisaki, soit impératrice consort : la plus haute distinction qui puisse être donnée à une épouse impériale.
Protéger le trône
A ce stade, la préoccupation première de Temmu est de contribuer à faire reconnaître son autorité dans tout le pays. Néanmoins, il lui faut aussi mettre en place de nouvelles réformes. C’est pour cela qu’il compte sur Jitô, qui gouverne d’ailleurs avec lui. Non seulement celle-ci le conseille mais élabore également des lois. Jitô est présente lorsque Temmu rassemble ses héritiers potentiels : quatre de ses fils (dont Kusakabe le fils de Jitô) et deux de ses neveux et leur fait jurer fidélité à lui et à son épouse ainsi que l’un à l’autre afin d’éviter les querelles de succession.
Néanmoins, Tenmu doit choisir entre Kuasakabe, le fils de Jitô, mais d’une nature maladive, et Ôtsu, qu’il a eu d’une autre de ses épouses, la sœur ainée de son impératrice, qui est à la fois un redoutable combattant mais également un fin lettré. En 680, une éclipse solaire a lieu, un très mauvais présage, et l’impératrice tombe malade. Ces signes néfastes créent beaucoup d’agitation chez les nobles, qui sont conscient de l’action capitale que Jitô a entreprise pour stabiliser le pays. Temmu fait construire un temple pour faciliter la guérison de sa femme. Tous ces signes font pencher la balance en faveur du prince Kusakabe, qui est d’ailleurs proclamé héritier une fois sa mère rétablie.
Ceci ne met malheureusement pas fin aux luttes de pouvoir. Temmu meurt en 686 et confie le pays à sa femme, ayant foi en ses capacités. Malgré son chagrin, Jitô prend immédiatement la situation en main. Elle déclare Ôtsu coupable de trahison envers l’héritier et lui ordonne de se suicider. Déserté par ses partisans, il n’a pas d’autre choix que d’obéir, accompagné dans la mort par son épouse. Il n’existait en vérité pas véritablement de preuves de sa félonie, mais sa popularité seule représentait déjà une menace pour Jitô. Elle envoie ainsi un signal fort : ceux qui tenteront de se rebeller devront en payer le prix. Une fois débarrassée de ce rival, elle offre des positions aux anciens soutiens d’Ôtsu envers qui elle fait majoritairement preuve de clémence, s’assurant ainsi de leur soutien envers son fils.
Par la suite, elle s’occupe de faire donner des cérémonies funéraires grandioses pour son défunt époux. Ceci a trois objectifs : rappeler les actions de l’empereur, accroître la loyauté envers le successeur de ce dernier et enfin donner au souverain le statut d’un personnage divin. Jitô se retrouve alors frappée par un autre deuil : son fils décède en 689. Il ne reste que son petit-fils, trop jeune pour régner. C’est donc elle qui monte sur le trône en 690 et devient ainsi impératrice régnante, tennô.
Poèmes composés par Jitô à la mort de son époux :
(Elle fait ici référence au lieu où Temmu a été temporairement enterré)
Notre Souverain
Sérénissime Seigneur
Lorsque vient le soir
Les regardera sans doute
Lorsque point l’aurore
Ira les voir sans doute
De la Colline-du-Dieu
Les feuilles jaunes des monts
Ce jourdh’ui déjà
Pour sûr il ira les voir
Et demain encore
Pour sûr les regardera
Cette montagne donc
Levant les yeux je contemple
Lorsque vient le soir
Etrangement me sens triste
Lorsque point l’aurore
Détresse saisit mon cœur
Et de rude toile
De ma robe les manches
Ne sèchent un seul instant
Ne dit-on point que
Même le feu flamboyant
Bien enveloppé
Se peut fourrer en un sac
Mais je ne puis l’ignorer
Sur les monts du nord
Le nuage qui s’étire
Le nuage bleu
Va s’écartant des étoiles
Et de la lune s’écarte
(Le nuage est l’âme de Temmu qui quitte ce monde)
La réformatrice
Jito se met alors au travail et contribue à consolider un pouvoir central fort. Elle avait déjà promulgué en 689 un code que devaient respecter tous les gouverneurs locaux. La prochaine étape est de faire recenser toute la population en 690 en demandant à chacun de s’enregistrer sur son lieu de naissance, sans quoi le gouvernement n’est pas capable de lever correctement les impôts. Elle sait également s’entourer de ministres dont elle s’assure de la fidélité, tel que l’un des fils de son mari et par une autre épouse, mais dont la mère ne possède pas un lignage suffisamment illustre pour permettre à son enfant de prétendre au trône.
L’empereur Temmu avait envisagé de construire une grande capitale sur un modèle chinois. Jitô met à bien se projet et installe la sienne à Fujiwara, il était en effet coutume de déplacer la capitale après la mort de chaque souverain, car la précédente était considérée comme frappée d’impureté par le trépas qui venait de s’y dérouler.
Elle réforme également l’armée, élaborant les conditions de recrutement mais aussi d’entraînement des troupes. Elle régule la circulation des armes : celles-ci sont la propriété de l’état et ne doivent servir qu’à la guerre et à l’entraînement des troupes. L’armée se professionnalise ainsi sous son influence.
Jitô est également connue pour son ouverture d’esprit et sa tolérance religieuse. Ainsi, elle contribue très activement à la propagation du bouddhisme, notamment aux frontières de Kyushu et dans Hokkaido, tout au nord du Japon. Pour autant, elle continue de soutenir les cultes indigènes et adopte à la cour certains rites issus de traditions provinciales.
L’impératrice est aussi une protectrice des arts. Elle donne fréquemment des banquets à la cour où se produisent de talentueux artistes venus de tout le pays. Elle promeut également les arts martiaux tels que l’équitation et le tir à l’arc qui trouvent leur place dans des rituels de cour où l’emphase est mise sur l’esthétique. Elle tient également à préserver les traditions orales de son pays. Ainsi, des récitations de l’histoire des familles illustres sont fréquemment données à sa cour. En 681, alors que l’empereur Temmu était encore en vie, une récitante (cet office était occupé par des femmes, mais le nom ambigu de cette personne laisse planer le doute sur son sexe) nommée Hieda no Are avait reçu l’ordre de mémoriser plusieurs récits oraux, afin de constituer une histoire du pays, et c’est sur ses performances qu’est plus tard basé le Kojiki (712), un récit cherchant à retracer l’histoire du pays depuis ses origines mythiques.
Sous son règne, la poésie acquiert une forme plus raffinée. L’impératrice en écrit d’ailleurs elle-même. Adorant voyager, elle visite la région de Yoshino neuf fois, elle en compose pendant ses excursions. Un de ses poèmes fait partie de l’anthologie de Cent poètes et un poème composée par Fujiwara no Teika (1162-1241) et donc du jeu de Karuta. D’autres ont été retenus dans l’anthologie du Man’yôshû.
Passé le printemps
L’été est venu me semble
Les immaculées
Robes sont mises à sécher
Au céleste Mont Kagu
(Poème de Jitô retenu dans les Cents poètes)
Démanteler l’ancien système tribal et le remplacer par la suprématie d’un seul souverain était l’objectif de ses prédécesseurs. Jitô a su le concrétiser, dotant le pays d’un véritable système légal et d’une bureaucratie, n’hésitant pas à mettre à contribution les apports d’immigrés chinois ou coréens en la matière.
Le poème de l'impératrice Jitô dans Cents poètes et un poème,
(1840-1842), Utagawa Kuniyoshi
L’égale d’une déesse
Pendant son règne, Jitô se sert de l’adhésion que suscitent toujours les anciennes croyances chamaniques, malgré la présence d’admirateurs de la Chine, pour unir les différentes factions et faire accepter son règne et sa vision. En effet, le souverain est considéré comme le descendant direct de la déesse du soleil. En 692, elle décide d’entreprendre un voyage très symbolique dans la province d’Ise, pour rendre hommage à sa divinité tutélaire, mais aussi pour inspecter sur le chemin les actions des différents gouverneurs locaux. L’impératrice décide de partir au printemps. Certains s’y opposent, lui demandant d’attendre que les paysans soient moins occupés aux champs, afin de ne pas perturber les travaux agricoles.
La souveraine refuse. Partir en hiver ne correspondrait pas à la mise en scène politique qu’elle souhaite élaborer. En effet, la province d’Ise est balayée par des vents glacés en cette saison. Quel paysan voudrait faire le long chemin depuis son village et attendre dans le froid, sur le bas-côté d’une route, pour voir passer le cortège impérial ? Organiser son périple pendant la saison vernale lui permet ainsi d’être vue, mais aussi de rallier les locaux à sa cause, de les pousser à lui octroyer de la main d’œuvre et des moyens pour ses projets, dont sa nouvelle capitale, le tout en échange de compensations. Comme il lui faut du bois, elle s’arrête dans la province d’Ômi et gagne l’adhésion des chefs locaux en échange de récompenses. L’initiative est un succès : le projet de construction de la capitale est mené à bien en 694 et la souveraine y gagne en prestige et son autorité est reconnue.
Jitô fait ainsi un usage politique des rites religieux et chamaniques et se sert de son statut de descendante de la déesse Amaterasu pour asseoir sa légitimité. Avec ce voyage, elle renforce le lien entre la famille impériale et la déesse solaire dont s’était servi son mari pour se légitimer. Ses partisans font l’association entre elle et la déesse du soleil. Ainsi, lors de l’inauguration de sa nouvelle capitale, le poète Kakinomoto Hitomaro livre une pièce où il compare Jitô à une déesse :
Notre sérénissime
Dame Souveraine
Gouverne et régit
Du monde sous le ciel
Les pays et les terres
Si nombreuses et pourtant
De la rivière entre les monts
La vallée fraîche et pure
Qui son cœur auguste
Séduit pays de Yoshino
Où les fleurs se dispersent
Dans la lande d’Akizu
Où les piliers du Palais
Solides Elle a plantés
Si bien que les gens
Du Palais aux cent assises
Leurs barques en ligne
Le matin passent la rivière
Leurs barques à l’envi
Le soir passent la rivière
Et telle la rivière
Qui jamais ne tarit
Telles ces montagnes
Qui toujours plus haut s’élèvent
Près des eaux rapides
Le Palais de la cascade
Ne me lasserai de voir
(…)
Notre sérénissime
Dame Souveraine
Divine par nature
Agissant divinement
Dans le val où court
La Yoshinogawa
Son Palais altier
Altièrement construit
Elle a gravi
Et ses terres contemplées
Etagés Elle voit
Des monts la verte muraille
Et des dieux des monts
Voici le tribut offert
Venu le printemps
Ils les couronnent de fleurs
Et quand vient l’automne
Ils les couronnent de roux
Les dieux de la rivière
Qui va longeant le Palais
Pour l’auguste table
Ont proposé leurs services
Dans les eaux d’amont
Ils chassent au cormoran
Dans les eaux d’aval
Les filets ils ont tendus
Quand monts et rivière
Ainsi viennent la servir
Voilà bien l’âge des dieux
L’abdication
Le petit-fils de Jitô, l’empereur Monmu (r. 697-707), est prêt à prendre sa relève. Celle-ci lui laisse donc officiellement la place, elle est donc la première souveraine du Japon à recevoir le titre de dajô-tennô(soit « empereur-suprême »). Dans les faits, c’est elle qui conserve le pouvoir. Elle conseille aussi son successeur sur la politique à suivre, lui faisant bénéficier de son expérience.
C’est également en 701 qu’est promulgué le Code de Taihô, composé de six volumes de droit pénal et dix volumes de droit administratif, basé sur un prototype élaboré par l’empereur Tenji en 668. Ce sont les ajouts effectués par Jitô pendant son règne qui ont fait en sorte que celui-ci puisse être finalement applicable, l’impératrice démontrant de nouveau ici l’ampleur de ses capacités légales et politiques. Ceci est un pas de plus sur la voix d’un état unifié obéissant à une seule loi. Ainsi, elle achève la dynamique de création d’un état bureaucratique sur le modèle chinois engagée sous le règne de Suiko.
Jitô meurt en 703 et est ainsi réunie avec son époux, dont elle partage la tombe, un cas unique. Sous son règne, le pays a atteint un degré de stabilité que ni son père ni son époux n’ont été capable d’atteindre. Les mythes rapportés notamment dans le Kojiki dépeignent une femme puissante, qui règne sur le ciel et dont l’énergie pacifie le monde. Celle-ci transmet la puissante épée qu’elle possède à son petit-fils, Niningi, pour qu’il aille régner sur les humains. Il s’agit de la déesse Amaterasu. Il serait possible d’y voir l’influence de l’impératrice Jitô, notamment dans sa relation avec son successeur, entre un jeune souverain et une impératrice puissante et expérimentée qui lui montre la voie et l’instruit de sa mission. Quoi qu’il en soit, il est possible d’affirmer que « Temmu et Jitô sont les véritables fondateurs de la monarchie impériale japonaise » (Pierre François Souryi).
Conformément au résultat du sondage, le prochain article portera sur Kasuga no Tsubone. De simple nourrice du troisième shôgun de la dynastie Tokugawa, elle devient une femme redoutée grâce à son intelligence et son absence de scrupules
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Sources
Sieffert René (trad.), Man.yôshûLivres I à III, Paris,Livres I à III, Editions de l’UNESCO, coll. «Oeuvres représentatives », 1997.
Bibliographie
Articles universitaires
Akima Toshio, « The myth of the goddess of the undersea world and the tale of empress Jingū’s subjugation of Silla », Japanese journal of religious studies, vol. 20, n°2, 1993, pp. 95-185.
Ouvrages
Aoki Michiko Y., « Jitō Tennō, the female sovereign », Mulhern Chieko Irie (éd.), Heroic with grace legendary women of Japan, New York, East Gate, 1991, p. 40-76.
Beard Mary R.,The force of women in Japanese history, Washington, D.C, Public affairs press, 1953.
Souyri Pierre-François, Nouvelle histoire du Japon, Paris, Perrin, coll. « Pour l’histoire », 2010.
Très belle article ! Le personnage de Jitô m'était familier mais j'avoue ne pas avoir su grand choses sur sa vie mais grâce à ton article, j'ai pu en apprendre beaucoup sur elle ainsi que sur l'importance de son rôle. Encore merci pour ton travail rigoureux et ta joli plume :)
RépondreSupprimerMerci pour cette lecture et pour cette rencontre avec ce personnage admirable.
RépondreSupprimerBravo